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 Source : Tout Toulouse (22/09/2001)    Source : Le Monde (24/09/2001)
[Articles du 22/09/2001] - [ Periode : 09-2001 (154 articles)] - [ Source : Tout Toulouse (78 articles)]

Article paru le 22/09/2001 - Cet article est la propriété du journal ou société : Tout Toulouse

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Selon trois ouvriers, ce n'est pas un accident


Photo © Tout Toulouse Trois ouvriers du silo dévasté sont incrédules : selon eux, les causes de l’explosion ne sont pas accidentelles

Devant eux, les policiers qui délimitent le périmètre de sécurité leur interdisent de franchir les barrières. Les trois ouvriers montrent désespérément leurs badges de la AZF, rien n’y fait. « Nos compagnons d’atelier sont là-bas, laissez-nous aller les secourir » Il est 16 h, l’explosion remonte à 8 heures déjà et ils ne peuvent quitter ces lieux dévastés, à une encablure de leur usine.

Le premier ne peut réaliser : « Si je n’avais pas été mis en congés au dernier moment hier, j’aurais travaillé dans le silo de nitrate qui a explosé, soupire-t-il. C’est le destin » Ses deux amis, eux, ont travaillé toute la nuit et ont débauché à 5 heures ce matin. Eux aussi avouent un sentiment de culpabilité par rapport à leurs amis ensevelis. Ils évoquent entre eux un copain qui était en vacances et qui a accepté de remplacer un ami, ce matin, au silo. « Il fait partie des morts. Le destin, toujours le destin »

Autour d’eux trois, les camions de pompiers et les ambulances foncent, sirènes hurlantes. Partout autour, on voit des policiers. Eux trois ne parviennent pas à comprendre ce qui a pu se passer et leur témoignage devient soduain capital quand le plus âgé affirme : « Le nitrate d’ammonium ne peut pas exploser tout seul. Je suis formel : je travaille depuis vingt dans le silo qui a sauté, je sais ce dont je parle.

« Le nitrate utilisé dans le domaine agricole pour servir d’explosif doit recevoir un adjuvant, plus du gas-oil, le tout doit être comprimé et il faut une mèche à laquelle on met le feu pour que l’explosion se produise. Si on met le feu à un sac de nitrate, à peine s’il se consume. »

Ses deux collègues, plus jeunes, vont dans son sens : « Les sacs de nitrate étaient entreposés dans le silo. Or celui-ci, qui est scindé en deux, n’a subi la déflagration que d’un seul côté : c’est celui du nitrate qui a été soufflé. L’autre côté, où était entreposée la mélanine, n’a pas subi d’explosion proprement dit : ses structures métalliques sont seulement tordues. »

Dans le ballet incessant, les trois hommes sont comme coupés du monde extérieur. Sans cesse, ils regardent au loin, en direction de ce qui reste de leur usine dont ils n’aperçoivent, au-delà du pont de la rocade, qu’un nuage d’épaisse fumée noire. « Les ouvriers qui travaillent dans l’atelier d’ensachage de nitrate proprement dit sont sept. En comptant ceux qui viennent des ateliers voisins, cela fait une vingtaine de personnes au total. Nous avons conscience de travailler sans cesse dans un climat de danger. Mais le sentiment de sécurité est total. Nous sommes conditionnés. A la limite, nous étions plus inquiets de savoir que notre usine était limitrophe de la SNPE, de l’autre côté de la Garonne : le jour où le phosgène (un gaz incolore obtenu par la combinaison du chlore et de l’oxyde de carbone, ndlr) qu’ils fabriquent explosera, Toulouse et Portet sur Garonne seront rayés de la carte. »

Un homme s’approche : il vient de quitter la SNPE pour cause de maladie et il opine : « J’ai travaillé le phos gène pendant 17 ans. Dans ma maison, route de Launaguet, quand j’ai entendu l’explosion ce matin, je n’ai pas pensé à un attentat comme aux USA, j’ai aussitôt dit à ma femme : "C’est la SNPE ou l’ONIA". Puis j’ai pensé à mon fils qui est lycéen au LEP Gallieni. Dieu merci, je viens de le retrouver, il n’a pas été blessé. » Les deux jeunes ouvriers du silo laissent soudain tomber dans un réflexe : « On n’est pas prêts de reprendre le travail » Leur aîné les coupe : « Pensez plutôt aux copains qui sont morts et à ceux qui sont encore sous les décombres... »

Jean-Paul Rey


 Source : Tout Toulouse (22/09/2001)    Source : Le Monde (24/09/2001)

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